La plongée scientifique en France

par FERAL Jean-Pierre

Au milieu du XIX° siècle, certains biologistes, comme E. Forbes, pensaient que la répartition verticale de la vie en mer ne pouvait pas dépasser 800 mètres. Très rapidement, Norvégiens, Anglais et Français vont, au contraire, à la suite d’expéditions maritimes prouver l’importance de la vie dans l’ensemble de l’océan. Ce sera le temps des grands naturalistes marins comme H. Milne-Edwards, Albert Ier de Monaco, H. de Lacaze-Duthiers pour qui la rigueur scientifique nécessitait d’aller en mer chercher les spécimens nouveaux et tenter tout à la fois d’inventorier les espèces et de comprendre leurs modes de vie. Le monde de la mer restait cependant inaccessible pour ces pionniers dont les investigations demeuraient des cueillettes aveugles. La mise au point du scaphandre « pieds lourds » au cours du XIXème siècle ne fut pas d’une grande utilité pour la biologie marine. Cette technique supposait une importante logistique et apportait une faible manœuvrabilité. Ce type de scaphandre restera l’apanage des travaux sous-marins, si l’on excepte les recherches de L. Boutant à Banyuls-sur-Mer, mais qui furent surtout consacrées à la réalisation de clichés photographiques en plongée ou le tournage, grâce à un Fernez à embout relié à la surface par un tube caoutchouc, du premier film sous-marin “ L’Hippocampe ” de J. Painlevé en 1933. C’est la mise au point du scaphandre autonome (masque Le Prieur et bouteille Michelin) et l’enthousiasme du “ Club des Sous l’eau ”, à Saint Raphaël à partir de 1935, qui va permettre l’essor de la plongée scientifique. Avec le même esprit ouvert et passionné que les grands anciens, c’est P. Drach, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, qui va ouvrir à la biologie l’univers sous-marin. Dès 1955, dans la région de Roscoff, il plonge pour recueillir des données, mais surtout pour comprendre. C’est lui qui formera les premières générations de plongeurs scientifiques à Banyuls. A la même époque, l’américain G. Bass sera à l’origine de la plongée scientifique archéologique, et l’universitaire français F. Magne créera la recherche algologique en plongée. Le développement de la discipline va alors aller très vite et la plongée sera utilisée à des fins scientifiques au Muséum National d’Histoire Naturelle par le professeur A. Couté, à l’Institut Océanographique par A. Toulemont, au CEMAGREF (actuel IRSTEA), à l’INSERM et tout particulièrement dans les laboratoires universitaires et du CNRS de Marseille (J. Vacelet et J.-G. Harmelin), Banyuls, Brest, Roscoff, ainsi qu’à Nouméa (R. Catala). Les premières plongées dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises ont été faites en 1962 par P. Grua et en Terre-Adélie par J.-P. Féral en 1987.

De la collecte et de l’observation in situ, on va passer à l’expérimentation avec la mise au point de nombreux matériels pensés et réalisés par des plongeurs ; puis, de la recherche fondamentale, on passera à la recherche appliquée comme par exemple au CNEXO (actuel IFREMER) notamment en matière d’aquaculture. Des chercheurs comme D. Buestel ont mis au point, non seulement des techniques d’élevage, mais aussi des matériels pour le développement de fermes sous-marines (1980). Les archéologues du DRASSM comme P. Pomey mettront eux aussi au point de nombreuses technologies permettant le développement de leur discipline. Les Stations Marines des grands états maritimes vont développer des projets de recherche importants tant aux Etats-Unis qu’au Royaume-Uni ou en France concernant l’écologie comme l’éthologie ou la recherche de substances actives d’intérêt industriel ou thérapeutique.

Il manquait un statut juridique à ces plongeurs, ce sera le rôle de l’Association Française des Plongeurs Scientifiques (COLIMPHA) qui sous l’impulsion d’A. Couté permettra de rassembler à partir de 1978 l’ensemble des disciplines académiques concernées (biologie, chimie, archéologie, géologie, droit, technologie) pour encadrer et structurer cette activité, servir de forum d’idées, aider les jeunes chercheurs, développer des techniques nouvelles. L’action de ces chercheurs permettra de faire reconnaître la plongée scientifique dans la réglementation française et, avec l’aide administrative du CNRS-INSU, de proposer un texte régulant la pratique de la plongée scientifique qui sera adopté par la direction du CNRS dans l’instruction de 1998 ainsi que par tous les organismes de recherche.
[de nouveaux arrêtés d’application sont en cours de rédaction (note du 3 mars 2013)]