Action Héron Agami

par LUGLIA Mathieu

Le Héron agami est l’une des espèces de hérons les plus méconnues du continent américain. En effet, aucune étude détaillée n’a été entreprise et très peu d’informations sont disponibles sur sa biologie de reproduction, son écologie, son régime alimentaire, son comportement, ses déplacements, ses effectifs mondiaux...
Par conséquent, la mise en place de programmes de recherches sur cette espèce est considérée comme prioritaire en matière de conservation par le groupe de travail mondial sur les hérons.

L’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale (IMBE) a réalisé en 2008 une première étude sur la biologie, l’écologie et le comportement du Héron agami.

Campagne d’études

Grâce à une série de quatre missions rapprochées dans le temps, un suivi complet du cycle de reproduction a été effectué depuis l’installation des adultes et la construction des nids jusqu’à l’envol des poussins. Cette campagne a inclut une analyse détaillée de la biologie de la reproduction du Héron agami en intégrant ces informations dans le cadre de la succession des différentes autres espèces nicheuses de la colonie.
A cet effet, une campagne inédite de captures a été réalisée avec succès (notamment la capture au filet d’adultes de Hérons agami qui n’avait jamais été effectuée) permettant le marquage (pose de bagues métalliques du MNHN de Paris et Darvic couleur/alphanumériques) de 20 adultes et de 86 poussins. Des prélèvements de plumes ont été effectués sur les individus capturés permettant leur sexage génétique. Ainsi, chaque oiseau a pu être suivi et étudié de façon personnalisée au sein de la colonie.

Au cours des manipulations, nous avons réalisé des mesures qui ont permis, d’une part, de déterminer les caractéristiques biométriques de l’espèce et, d’autre part, d’effectuer un suivi de la croissance des poussins par leur recapture.
Ces mensurations, couplées aux sexages génétiques, ont prouvé l’existence d’un dimorphisme sexuel qui jusqu’ici n’avait jamais été décrit pour cette espèce.

En outre, à partir d’affûts fixes ou mobiles, le suivi de lot-échantillons de nids a permis d’obtenir des données fiables sur les différentes phases du cycle de reproduction, les paramètres reproducteurs et les effectifs.
Des séries d’observations comportementales diurnes et nocturnes ont été conduites pour connaître les patrons temporels de présence des individus aux différentes phases du cycle reproductif : construction du nid – couvaison – élevage.

Lors d’un stress, certains individus (en particulier les poussins) régurgitent spontanément leur bol alimentaire. L’analyse de ces régurgitats, à partir d’une collection ostéologique de référence, permet de déterminer le régime alimentaire de l’espèce.
Ainsi, par la détermination des proies, il est possible de définir les types d’habitats fréquentés par les hérons lors de leur recherche de nourriture.
Une première analyse des régurgitats a révélé que ceux-ci étaient composés de poissons du genre Rivulus, espèces de petites tailles, qui sont caractéristiques des têtes de ruisseaux forestiers peu profonds à courant lent. Ces proies prouvent donc que les Hérons agami s’alimentent le long de petites criques en zone forestière de plateau.
Ceci a confirmé nos séries d’observations en continu montrant que les hérons ne se nourrissent pas sur la « Mare Agami » mais sur des zones extérieures d’alimentation qu’ils rejoignent en masse en seconde partie de nuit pour ne revenir à la colonie qu’à la tombée de la nuit suivante.

Perspectives

Les résultats acquis sont très encourageants et constituent les premiers éléments de connaissance et de compréhension des stratégies de l’espèce au cours d’une phase essentielle de son cycle de vie : la reproduction.

Enfin, cette étude préliminaire a permis de définir les protocoles et les modes opératoires les plus adaptés pour étudier cette colonie et mener des investigations poussées sur cette espèce au cours des prochaines années.