Le Sahara
Le Sahara, cet inconnu…
Aucun territoire autant que le Sahara ne semble installé dans l’immobilité. L’aridité sans doute, les températures extrêmes et les vents secs. Des étendues de sables (ergs), de pierres (regs) et des massifs montagneux qui paraissent infinis. Comme si le temps, entre Maghreb et Sahel, ne s’écoulait pas. Au fil des explorations cependant, le plus grand désert chaud de notre planète livre peu à peu ses secrets.
Réputé anéantir qui s’y risque, le Sahara n’est pourtant en rien une étendue stérile, dénuée de vie. Bien au contraire, des méduses ou des poissons d’eau douce, des crocodiles, des plantes à fleurs et fougères d’origines tropicale ou méditerranéenne persistent au cœur du Grand Désert, preuves d’un environnement non immuable au fil du temps. L’homme moderne et ses prédécesseurs ont également marqué cet espace de leurs empreintes. Les traces de leurs passages, échanges et innovations technologiques et culturelles font du Sahara un inestimable musée à ciel ouvert.
Le Sahara abrite ainsi une diversité biologique et culturelle unique, encore méconnue. Son étude à travers une approche scientifique pluridisciplinaire nous aide ainsi à mieux comprendre les capacités d’adaptation et de persistance des espèces vivantes sous des conditions environnementales extrêmes.
Le Sahara, un laboratoire privilégié ...
Face à des archives paléoenvironnementales souvent fragmentaires, difficiles à atteindre et à dater, très vite s’est imposée l’idée que pour reconstruire l’histoire des écosystèmes sahariens, des approches interdisciplinaires devaient prévaloir. Les apports croisés de l’archéologie, des géosciences de l’environnement et des sciences de la vie ont ainsi émergé dès les premières missions d’exploration scientifique.
Avec plus de 8,5 millions de kilomètres carrés depuis l’océan Atlantique jusqu’à la mer Rouge, le Sahara n’est en rien une entité géographique homogène et immuable. Depuis son origine estimée à environ 7-10 Ma, il se caractérise notamment par une histoire climatique tourmentée. Les bioindicateurs continentaux, lacustres et océaniques enregistrent des changements plus ou moins abrupts. Au rythme des cycles astronomiques, de la variabilité de la mousson et des rétroactions probables entre couverture végétale et climat régional, périodes humides et arides se sont succédées tout au long du Quaternaire, la période aride actuelle ayant débuté, selon les régions, entre 5,5 et 2,8 ka BP. Ces variations paléoclimatiques et paléoenvironnementales ont entraîné des expansions et contractions du réseau hydrographique, et une modification de la distribution des écosystèmes, avec pour conséquences adaptation, migration ou disparition de la faune et de la flore.
Il en est de même pour l’homme, qui, à l’intérieur des « possibles » générés par ces conditions environnementales, a choisi ses modes de subsistance (chasse-cueillette, élevage) et de vie (nomadisme, sédentarisation), comme en témoigne l’abondance des vestiges archéologiques.
Quant à la biodiversité, les espèces reliques de climats antérieurs et de réseaux hydrographiques passés, persistant encore actuellement dans certains refuges localisés (reliefs), sont les témoins précieux de ces changements environnementaux hors du commun. Elles constituent des archives évolutives qui peuvent servir de modèles pour mieux comprendre la réponse du vivant à des changements climatiques en cours ou annoncés. Avec le développement récent des outils de biologie moléculaire, la dimension évolutive de la biodiversité peut également être appréhendée à travers les approches de phylogénétique, phylogéographie et de génétique des populations.