Le Bassin Méditerranéen, théâtre de l’accélération des changements environnementaux en cours



Les changements climatiques s’accélèrent dans le bassin méditerranéen. Ils exacerbent d’autres problèmes environnementaux déjà existants comme les changements dans l’utilisation des sols (urbanisation, agriculture intensive) ou la pollution croissante qui conduisent au déclin de la biodiversité.
Une équipe internationale menée par Wolfgang Cramer (IMBE – CNRS/Université d’Avignon/IRD/Université Aix-Marseille) fait le point dans une synthèse publiée dans la revue Nature Climate Change.


Pour la première fois, un consortium des scientifiques mené par Wolfgang Cramer (IMBE – CNRS/Université d’Avignon/IRD/Université Aix-Marseille) a entamé une synthèse des multiples enjeux environnementaux qui touchent les populations du Bassin Méditerranéen entier. Cette synthèse est publiée dans la revue Nature Climate Change. Dans cette région, la température annuelle a déjà augmenté de 1.4°C depuis l’ère préindustrielle, soit 0.4°C de plus que la température globale. Durant les deux dernières décennies, la surface de la Méditerranée s’est élevée de 60 mm accompagnée d’une acidification significative. Même avec un réchauffement global futur limité de 2°C, comme demandé par l’Accord de Paris, les précipitations estivales risquent fort de diminuer de 10 à 30 % selon les régions, aggravant les pénuries d’eau et provoquant une décroissance forte de la productivité agricole, surtout dans les pays du Sud. Pour satisfaire les besoins de l’agriculture, la demande en eau d’irrigation augmentera de 4 à 22 % selon l’accroissement de la population. Cette demande devrait entrer en concurrence avec d’autres usages (eau potable, industrie, tourisme) et elle va provoquer des conflits entre les utilisateurs, les propriétaires et même les gouvernements. Les impacts du changement climatique sur la production agricole combinée à la demande croissante en produits animaux vont accroitre la dépendance des pays du sud par rapport à l’extérieur (50 % des produits alimentaires du Maghreb). Les risques pour les pêcheries, dus au réchauffement, à l’acidification et à la surpêche, sont également importants.

Suite à la fonte des glaciers au niveau mondial, la hausse du niveau de la mer est aussi en accélération et risque de dépasser les estimations récentes. En Méditerranée, ce phénomène touchera une très large population localisée sur les côtes par des inondations côtières importantes. Les intrusions marines ont déjà affecté les sols et les nappes phréatiques ; ce phénomène va s’amplifier avec des conséquences sur les ressources agricoles et la biodiversité. La santé humaine est également touchée par les changements en accélération (virus du Nil Occidental, dengue, chikungunya, maladies cardio-vasculaires et respiratoires). Dans des pays politiquement fragiles, les risques socio-économiques avec leurs corollaires (guerres, famines et migrations) sont de plus en plus attribuables aux changements environnementaux.

Pour faciliter les réponses des décideurs politiques à ces risques, un grand effort de synthèse des connaissances scientifiques existantes est nécessaire, en incluant toutes les disciplines et secteurs. Cela est fait d’une façon insuffisante dans les rapports du GIEC et de l’IPBES qui ne traitent pas le bassin méditerranéen dans son intégralité. Voilà l’objectif du réseau MedECC (Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change). Fort de près de 400 scientifiques réunis en connexion avec des organisations des gouvernements et d’acteurs sociétaux, il vise à produire un premier rapport d’évaluation des risques environnementaux et climatiques en région Méditerranéenne.


Contact IMBE
Wolfgang Cramer


Réf. publication :
DOI : https://www.nature.com/articles/s41558-018-0299-2
Climate change and inter-connected risks to sustainable development in the Mediterranean

Auteurs : Wolfgang Cramer, Joël Guiot, Marianela Fader, Joaquim Garrabou, Jean-Pierre Gattuso, Ana Iglesias, Manfred A. Lange, Piero Lionello, Maria Carmen Llasat, Shlomit Paz, Josep Peñuelas, Maria Snoussi, Andrea Toreti, Michael N. Tsimplis & Elena Xoplaki

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Lire l’article mis en ligne sur le site de l’INEE-CNRS