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L’IMBE en Martinique

PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES SOLS ET DES MILIEUX POREUX (IMBE- IRD-CNRS)
 Contexte et objectif du projet
Les sols évoluent constamment sous l’effet des facteurs naturels et des pratiques agricoles. Mieux connaître leur fonctionnement et l’évolution de leurs caractéristiques physiques, conjointement à l’usage agricole qui en est fait, assurerait une valorisation durable des terres et donnerait les éléments de prévention des risques (dégradation de la qualité des sols, contamination par les pesticides...). En termes de propriétés physiques les sols sont des milieux poreux allant de la nano porosité à la macroporosité ; des matériaux poreux synthétiques (gels minéraux, aerogels ) permettent de simuler ces milieux complexes.

 Opérations scientifiques
Compte tenu des particularités des sols de la Martinique, quatre thématiques de recherche prioritaires se dégagent :
• La caractérisation de la diversité des sols de la Martinique (structure, propriétés de porosité)
• L’étude à l’échelle microscopique des propriétés physiques très particulières des sols volcaniques tropicaux , notamment vis-à-vis des matières organiques. Ils constituent un excellent modèle pour tenter de comprendre les mécanismes de séquestration du carbone (GES) dans le but de lutter contre les gaz à effets de serre et le devenir de polluants (fixation-relargage) dans ces sols
• L’étude des relations entre les caractéristiques physico chimiques des argiles ( porosité, surface poreuse, concentration en C ) et les propriétés de fixation et de rétention-relargage des pesticides (chlordécone) ;
• La simulation par la synthèse de milieux poreux modèles et le calcul de propriétés physico-chimiques non mesurables (porosité et perméabilité à l’échelle microscopique). Ces milieux modèles ont servi pour comprendre les propriétés de rétention des pesticides dans les sols .
• Un partenariat avec les autres équipes du CAEC, avec l’UMR IMBE Marseille IRD , l’UR Seqbio de l’IRD et des équipes de recherche du CNRS (laboratoire Charles Coulomb à Montpellier, Génoscope Paris ), CEREGE Aix en Provence , BRGM Orléans , Université del Zulia Venezuela. .

1) Propriétés de sequestration des GES (C) dans les sols tropicaux
Les préoccupations à l’échelle mondiale, sur le réchauffement global et l’augmentation des teneurs en gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, O3) conduisent à s’intéresser au rôle des sols en termes de source ou de puits de carbone. En effet, les sols constituent un réservoir superficiel de C équivalent à 3 fois la quantité stockée dans la biomasse terrestre et 2 fois celle présente dans l’atmosphère. Il est donc nécessaire de comprendre et de corréler les données concernant des paramètres aussi importants que la minéralogie, la structure du sol, les caractéristiques texturales et physico-chimiques… sur le stockage du carbone, dans l’optique de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES).
 

Les Andosols sont des sols se développant sur des projections volcaniques ; ils sont aussi appelés « sols à allophanes » car ils contiennent une forte proportion de ces argiles. Les argiles allophanes provenant de l’altération des roches volcaniques sont des argiles amorphes, fortement hydratés. Les caractéristiques physico chimiques et minéralogiques des sols à allophanes sont très particulières (on n’y distingue pratiquement aucune argile cristalline) et les sols à allophane présentent une capacité exceptionnelle dans la fixation du carbone apporté par les plantes (3 à 4 fois plus que les argiles classiques) et sont donc des « puits » de C. Nous avons montrer comment la microstructure de cette argile amorphe particulière peut nous aider à mieux comprendre ces propriétés intéressantes de « puits de GES ». Les études par microscopie électronique permettent de mettre en évidence les caractéristiques de la phase solide propres à chaque type d’échantillon à l’échelle du nanomètre jusqu’à la centaine de nanomètres. Cette échelle est précisément celle correspondant à la taille des particules d’allophane (3-4 nm) et des agrégats formés par celles-ci. La description des agrégats grâce à l’utilisation de la géométrie fractale nous permet d’apporter un éclairage nouveau. les petites particules d’allophane de taille inférieure à 5 nm s’agrègent pour former des objets plus gros ; eux-mêmes formant d’autres agrégats encore plus gros (fig). Cette étude nous indique que les fluides, liquides ou gazeux, auront de plus en plus de difficultés à se déplacer à l’intérieur de la microstructure des agrégats d’allophane, sortes d’éponges nanométriques et labyrinthique. En quelque sorte le carbone est piégé par confinement et les échanges entre espèces chimiques seront peu nombreux.
2) Une alternative à la dépollution : la séquestration de la chlordécone par ajout de matière organique.
Dans le cas de certains pesticides, les méthodes de décontamination connues ne sont pas toujours réalisables techniquement (phyto ou bio remédiation) ou envisageables financièrement et écologiquement (excavation, décontamination chimique). Nous proposons une alternative à la dépollution complète : la séquestration du pesticide dans les sols avec pour objectif de limiter le transfert du contaminant vers les écosystèmes. L’incorporation de matières organiques ( composts) dans les sols permet d’accroître la séquestration de la chlordécone, un insecticide organochloré particulièrement persistant. Ainsi bien que contaminé, le sol ne restituera que plus faiblement le polluant dans l’environnement.

Les résultats démontrent que l’apport de la matière organique favorise la rétention de la chlordecone dans le sol et donc un moindre transfert du polluant vers l’eau et les plantes cultivées ( entre 2 et 5 fois moins ) . Une période de 30 jours d’incubation de la matière organique semble suffisante pour réduire notablement la contamination de l’eau et des cultures.
Ce mode de gestion agro écologique permet de proposer une méthode peu coûteuse et facile à mettre en œuvre car maîtrisée par les agriculteurs, dans l’attente de procédés de dépollution efficaces et durables.