1.Thématiques

Mes thématiques de recherche concernent la mise en place au cours de l’Holocène des écosystèmes forestiers, méditerranéens et montagnards, et leur dynamique en réponse aux activités anthropiques passées.
La pédoanthracologie (identification et datation des charbons de bois conservés dans les sols) est mon outil de travail et ma spécialité.
Cette discipline exige une grande connaissance de l’anatomie du bois pour garantir la précision et la rigueur des identifications anatomiques. La pédoanthracologie, par la haute résolution spatiale des résultats et sa capacité à explorer les territoires dépourvus de sites humides, est parfaitement complémentaires des autres disciplines paléo écologiques (palynologie, entomologie, …).
Je travaille aussi en étroite collaboration avec les historiens et les archéologues, qui étudient la fréquentation puis l’occupation de la montagne depuis le Mésolithique jusqu’au Moyen Age et la période moderne, afin de mieux mesurer l’impact des activités pastorales et minières sur les forêts d’altitude et retracer la dynamique des végétations en réponse aux feux et aux variations climatiques au cours de l’Holocène.

JPEG - 160.6 kb
Réserve Intégrale du Lauvitel, 2012

Histoire environnementale et dynamique des paysages
La pédoanthracologie est une discipline particulièrement adaptée à l’étude à haute résolution spatiale de l’histoire des écosystèmes herbacés ou forestiers. Appliquée à l’écologie de la restauration, ou en biologie de la conservation, elle permet d’évaluer le degré de naturalité des milieux étudiés pour une meilleure prospective de gestion. En altitude par exemple, les dynamiques forestières alpines étant étroitement liées aux activités agro-sylvo-pastorales et minières, et les charbons dans les sols n’étant pas chronostratifiés, la collaboration avec les archéologues et historiens du Centre Camille Jullian (Fl. Mocci, UMR 6573 CNRS/Aix-Marseille Université) a abouti à des reconstitutions de dynamiques paysagères d’altitude assez précises.

Biogéographie et reconnaissance anatomique
Quelle était par le passé le rôle joué par les principales espèces arborescentes (espèces clé) des écosystèmes méditerranéens et alpins d’aujourd’hui ? Quelle était leur aire de répartition ?

JPEG - 33.3 kb
Charbon de mélèze (vue radiale, x500)

L’identification et la datation d’un nombre conséquent de charbons de bois d’un taxon donné permet de révéler pour une aire géographique donnée sa présence, son absence, sa fréquence ou au contraire sa rareté au cours du temps. En croisant avec d’autres sources disponibles (analyses polliniques, ADN sédimentaire, charbons archéologiques, archives historiques, ...), il devient possible d’identifier les facteurs responsables de ces patrons spatiaux de biodiversité (bien souvent issus d’une sélection anthropique). On sait désormais que le chêne liège de la plaine des Maures ou le hêtre de la Sainte-Baume sont des essences indigènes, mais favorisées par l’homme, tandis que le pin cembro (P. cembra) a fini par disparaitre de bien des vallées à la suite de l’intensité de l’exploitation de son bois (menuiserie) et de son habitat par le pastoralisme et les feux. La qualité des études pédoanthracologiques repose sur la fiabilité des identifications, surtout pour des charbons infra millimétriques. Elles s’accompagnent donc toujours d’une étude extrêmement détaillée des critères anatomiques diagnostiques et de leur variabilité inter et intra individuelle. L’anatomie du bois constitue la moelle épinière de ma recherche.

Rôle des îlots forestiers « refuges » dans la persistance et l’évolution de la biodiversité forestière
Malgré les politiques de protection mises en place (Natura 2000, Réserves intégrales, …), les forêts à fort degré de naturalité sont menacées par les changements globaux, comme la plupart des écosystèmes sensibles et vulnérables. Les gestionnaires de ces espaces sont très demandeurs de mesures de gestion adaptative. Une approche pluridisciplinaire associant SVT et SHS pour une meilleure connaissance de la dynamique actuelle de ces forêts en lien avec les usages passés s’avère très pertinente thèse Emma Gamba, 2021-2023

Crises climatiques et vulnérabilité des socio-écosystèmes
Les forêts d’altitude sont de bons modèles pour étudier les impacts du changement climatique. Ces « forêts froides » présentent des particularités écologiques et des services écosystémiques majeurs (ex : stockage terrestre de carbone) exigeant une meilleure connaissance de leur fonctionnement pluriséculaire. On constate également depuis une bonne quarantaine d’années qu’elles progressent à nouveau en altitude et colonisent petit à petit les anciennes zones pastorales jusqu’à des altitudes élevées.

JPEG - 72.5 kb
Mélèzes à la conquête des pâturages d’altitude, Ubaye (04) 2022

Nos objectifs sont de comprendre comment les activités humaines passées influent sur leurs trajectoires actuelles, quelles sont les essences qui seront les mieux adaptées aux changements rapides du climat et quel rôle jouent les reboisements (ex RTM) dans ces reconquêtes forestières (Programme Héritages http://www.za-alpes.org/2022_HERITAGE )

Mes recherches se déroulent donc principalement dans les Alpes françaises du sud, mais pas uniquement, en collaboration avec les gestionnaires d’espaces naturels (Parc National des Ecrins, PNR du Queyras, Réserve Biologique du Bois d’Assan , Réserve Intégrale du Lauvitel, Réserve Naturelle Nationale de la Massane dans les Pyrénées).
Mes travaux ont démontré l’importance (ampleur, durée) des activités anthropiques dans la déforestation des écosystèmes d’altitude et l’abaissement de la limite supra-forestière, depuis l’âge du Bronze jusqu’aux périodes médiévales et modernes. Ils ont également permis de reconstituer l’histoire holocène de la végétation de la Provence, calcaire et siliceuse et de préciser le rôle des feux, d’origine anthropique ou non (essartage, feux pastoraux, incendies de forêts) dans la transformation des écosystèmes forestiers méditerranéens (ex : Forêt de la Sainte Baume, forêt du Massif des Maures, des Alpilles, du Mont Ventoux).