Management territorial et conflits environnementaux industriels : à la recherche de la biodiversité

Soutenance de thèse de Nathalie Boutin, Mercredi 12 décembre 2018 à 14h30

Lieu
Amphithéâtre Z, IMPGT,
21 Rue Gaston de Saporta,
13100 Aix-en-Provence
Accès IMPGT


Jury

Nathalie RAULET-CROSET   Université Paris 1, IAE de Paris
Rapporteur
Angèle RENAUD Université de Bourgogne, IAE de Dijon
Rapporteur
Gilles BOEUF Université Pierre et Marie Curie
Examinateur
Président du Conseil scientifique de
l’Agence Française pour la Biodiversité
Membre du Bureau de la Plateforme
intergouvernementale scientifique et
politique sur la biodiversité et les services
écosystémiques des Nations-Unies
Solange HERNANDEZ Aix-Marseille Université, CERGAM-IMPGT
Directrice de thèse
Pierre BATTEAU Aix-Marseille Université, CERGAM-IAE Aix  
Co-directeur de thèse
Sophie GACHET Aix-Marseille Université, IMBE
Co-directrice de thèse



Résumé
La question de la biodiversité, apparue au premier plan des préoccupations environnementales au même titre que le changement climatique, a fait l’objet au niveau mondial d’une volumineuse littérature et de nombreux rapports en général alarmistes. Selon que l’on regarde cette question du point de vue des sciences de la terre et de la vie ou des sciences sociales, on dispose de vues complémentaires mais aussi contradictoires. On envisage la biodiversité, en particulier méditerranéenne, sous l’angle de sa gestion territoriale. On s’appuie sur l’étude comparée de deux cas de projets industriels ayant pour point commun leur localisation dans une espace marqué par d’intenses interactions hommes-milieux, et où la question de la biodiversité émerge dans un contexte décisionnel conflictuel, donnant un tour spécifique à son intervention. Cet espace est affecté par des transitions rapides d’origine anthropique et est fortement modelé par l’entrelacs des décisions des organisations publiques et privées locales qui en sont les acteurs.

Au travers de ces cas, la thèse entend évaluer la place de la biodiversité dans le management public territorial. On s’appuie sur les connaissances sur l’état de la biodiversité, ses opportunités et ses menaces. On confronte ce savoir avec les pratiques managériales lorsque celles-ci sont contraintes lors d’événements à fort contenu conflictuel et qui révèle les valeurs des multiples parties prenantes. À travers l’analyse des cas, on montre comment la non-concordance des enjeux de la biodiversité avec les divisions territoriales établies provoque une demande d’arbitrage remontant systématiquement vers les plus hauts niveaux de la décision publique, dépossédant les managers publics territoriaux de leur pouvoir de décision et de conception. Cette situation amène au paradoxe que les demandes renouvelées de « démocratie à la base » et de « participation des citoyens aux décisions qui concernent leurs propres affaires et bien-être » sont en permanence en contradiction avec cette remontée de la demande d’arbitrage lorsque la biodiversité est en jeu. Ceci tient à ce que les parties prenantes déclarées ou auto-déclarées de ces conflits ne se déterminent pas seulement par une appartenance territoriale mais aussi par des systèmes de valeurs relatifs aux relations Homme-Nature qui transcendent le territoire.

Pour représenter ces attitudes et comprendre les décisions prises, trois modèles sont proposés, « anthropocénique », « éco-pragmatique » et « prométhéen », représentant trois types d’attitudes de référence et qui agissent comme filtre de la connaissance mobilisée pour justifier les décisions. On procède alors à 33 interviews en profondeur de décisionnaires impliqués, et l’on analyse ces discours de façon fine pour faire ressortir l’influence de chacun des modèles. On montre le caractère déterminant du modèle retenu de la relation Homme-Nature. Par la non-existence d’un référentiel partagé, on apporte ainsi un éclairage à la faiblesse de l’institutionnalisation de la biodiversité, balbutiante et bien souvent oubliée en face d’autres enjeux plus immédiats. Ceci conduit à fournir des recommandations pour une intégration de ces enjeux dans les pratiques managériales à tous les niveaux du management et en particulier locaux. Cette intégration appelle des innovations institutionnelles provoquant la confrontation directe et en face-à-face des valeurs et des attitudes pour établir en commun des compromis se rapprochant de l’idéal de valeur publique, alors qu’au contraire la multiplication des sources d’information et de savoir, accessibles via les réseaux provoque la divergence en accentuant les replis individuels vers le modèle préféré, et aggrave ainsi les disputes. Paradoxalement on observe aussi que l’invocation de certains « mythes » de la Nature idéalisée semble jouer un rôle dans ces rapprochements et dans les engagements en faveur de la défense de biodiversité.


Télécharger le résumé de thèse de Nathalie Boutinen version française et anglaise


Cette thèse a fait l’objet d’un contrat doctoral financé par le Labex OT-­Med, et a reçu un appui financier partiel de la fédération de recherche ECCOREV et du Labex DRIIHM‐CNRS (Observatoire Hommes-­Milieux Bassin Minier de Provence)